Voici un zoom sur la définition de la résilience et les clés pour comprendre ce processus qui permet à la personne d’absorber un choc ou un trauma, et ainsi de parvenir à un changement : celui qui permet de trouver un nouvel équilibre de vie. La compréhension du phénomène de résilience doit beaucoup au très médiatique Boris Cyrulnik, médecin, neuropsychiatre et psychanalyste, auteur contemporain de nombreux ouvrages et interventions sur le sujet.
La résilience, on en entend beaucoup parler ici et là depuis plusieurs années. Mais, finalement, qu’est-elle précisément ? Comment parvient-on à être résilient ? Quelles sont les principales clés du processus ?
1. Définition de la résilience
Avant de s’étendre sur le processus de la résilience et sa mise en œuvre, arrêtons-nous sur les définitions de la résilience. Selon la définition du Larousse, la résilience est l’ « aptitude d’un individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit de circonstances traumatiques ». Le Robert propose plusieurs définitions. En psychologie, la résilience est la « capacité à surmonter les chocs traumatiques ». En écologie, c’est la « capacité (d’un écosystème, d’une espèce) à retrouver un état d’équilibre après un évènement exceptionnel ». En informatique, la résilience est la « capacité (d’un système ou d’un réseau) à continuer de fonctionner en cas de panne ».
Pour être plus précis, reprenons la définition de l’écologue Raphaël Mathevet (1) : La résilience est « entendue comme capacité d’un système à absorber les chocs et à subir des changements tout en préservant ses fonctions et sa structure. » Une définition prolongée et précisée par Boris Cyrulnik, : « Un mot permet d’organiser une autre manière de comprendre le mystère de ceux qui s’en sont sortis : la résilience, qui désigne la capacité à réussir, à vivre, à se développer en dépit d’adversité. » (Le Monde de l’éducation, mai 2001)
En résumé : la résilience est la capacité à revenir à un équilibre après avoir été stressé, bousculé par un choc ou un trauma. Elle permet ainsi de panser les blessures du passé pour les alléger et les vivre autrement, plus facilement, qu’il s’agisse des blessures de l’enfance, de l’adolescence ou de sa vie d’adulte.
2. Différence entre résilience et résistance
Selon Boris Cyrulnik, résistance et résilience sont à différencier. La résistance a une définition de nature physique alors que la résilience a une dimension de nature psychoaffective :
« Si une barre en fer peut résister à des chocs, elle finit toutefois par casser ; et même si la barre est faite d’un matériau qui absorbe les chocs, elle finira par être déformée et ne plus évoluer. Tandis que la résilience que je défends est un processus biologique, psychoaffectif, social et culturel qui, après un trauma, permet un nouveau développement psychique », explique Boris Cyrulnik (1).
3. Jolies métaphores…
Les différents chercheurs ayant travaillé sur le concept de résilience mettent en avant plusieurs métaphores. Celles-ci permettent de mieux comprendre et de mieux s’approprier ce qu’est la résilience et le chemin qui y mène. Surtout, elles apportent de la douceur et de la beauté là où existe pourtant un trauma douloureux.
• Métaphore écologique
« Un sol est résilient quand, après une inondation ou un incendie, une autre forme de vie y apparaît, confie Boris Cyrulnik (1). La résilience désigne aussi la capacité adaptative des fleurs qui, en cas de sécheresse ou de grosse chaleur, se recroqueville pour conserver de l’humidité. Si le climat change, l’adaptation devient alors une transformation. C’est ainsi que les feuilles se transforment en épines. Cette résilience adaptative suivie d’une transformation correspond en fait à la définition de l’évolution. » D’où l’importance de prendre conscience de ses liens avec le reste du vivant, insiste l’écologue Raphaël Mathevet.
• Métaphore artistique du Kintsugi
Le kintsugi est un art ancestral japonais de réparation des porcelaines et des céramiques. Apparu à la fin du XVe siècle, il consiste à réparer et à sublimer les cassures et cicatrices par des jointures en or. Ainsi les blessures de la vie et le chemin de la vie vivent-elles au grand jour. « Cette sagesse implique que non seulement on panse les blessures, mais on les rend belles et visibles », aime à dire Christophe André (Le Figaro).
• L’art de naviguer dans les courants
Une autre métaphore revient (encore !) à Boris Cyrulnik, pour qui « La résilience, c’est l’art de naviguer dans les torrents » (Le Monde de l’éducation, mai 2001).
4. La résilience est un processus de changement de la personne
Oui, nous pouvons l’affirmer : la résilience est un processus de changement et de transformation, un chemin initiatique où le vécu du trauma se transforme, où la personne trouve un nouvel équilibre psychique et un nouvel équilibre de vie. Ce nouvel équilibre de la personne est une adaptation à la situation nouvelle, à l’instar de l’arbre qui pousse et s’épanouit malgré un environnement complexe.
Autrement dit, la résilience mène à une migration identitaire avec une l’intégration créatrice d’un « Moi » renouvelé. Ce « Moi » nouveau intègre le passé vécu (y compris le choc du trauma) et la projection d’un nouveau futur adapté à la situation nouvelle.
Photographe et scénographe, Benjamin Krebs apporte un autre exemple de résilience avec son œuvre dénommée Fibres (photo ci-dessous). « Ces bêtes planches, coupées pour couvrir un mur, ont réagi à cette condition imposée. Elles se sont déformées à tel point que seul un usage individuel, adapté, bienveillant pouvait les garder dans leur entité », décrypte-t-il.
Personnellement, j’aime cette idée exprimée par Benjamin Krebs : la résilience est une réaction adaptative à une situation imposée. Une auto-déformation qui vise à garder son entité, à retrouver une intégrité physique, psychique et spirituelle. Une intégrité qui sera le plus souvent différente de l’intégrité initiale.
> Lire l’article Les Fibres de la résilience vues par Benjamin Krebs
5. Un travail sur la mémoire du trauma…
En psychologie, le processus de résilience est avant tout un travail sur la mémoire. C’est-à-dire sur les traces psychiques que le choc passé (le trauma) génère toujours au présent. Il peut s’agir d’émotions et de sentiments particulièrement difficiles à vivre (peurs, stress, colères, dépressions, hontes…), ces séquelles sur la pensée de la personne pouvant entraîner des troubles comportementaux.
Plus clairement, pour entrer en résilience, la mémoire du trauma doit être remaniée, précise le neuropsychologue Francis Eustache : « L’oubli est le partenaire de la mémoire. Il l’aide à accomplir son indispensable travail de tri, car celle-ci ne peut pas conserver toutes les images ni tous les mots auxquels elle est exposée. Cela ne veut pas dire que l’oubli est définitif, mais certaines représentations sont rehaussées quand d’autres sont mises à l’arrière-plan, toujours susceptibles d’être réactivées plus tard (…). Il est plus juste de parler de remaniement. Il ne faut pas oublier le trauma, mais au contraire le rendre mémorable pour que cet évènement aux multiples conséquences (…) devienne un épisode de vie à part entière, bien qu’éprouvant. La résilience sera ce chemin qui conduit à la mémoire, inscrit le trauma dans la narration de la personne et en fait quelque chose dont elle peut parler (…). Le trauma n’est pas oublié, mais mis à l’arrière-plan. » (1)
L’étape de la résilience passe donc par la réécriture du trauma. Autrement dit, la réécriture de son passé. La résilience consiste ainsi à opérer un remaniement de la représentation du trauma et de son passé, à formuler un « récit de soi » qui devient alors un épisode de sa vie. La mémoire du « Moi sécurisant » n’est plus envahie et paralysée par la mémoire traumatique du « Moi traumatisée ».
6. La résilience n’est possible qu’en lien avec son environnement social
Boris Cyrulnik souligne l’importance du lien de la personne avec son environnement social et familial : « Votre mémoire individuelle peut redevenir saine, c’est-à-dire évolutive, si le contexte familial, culturel, social accepte votre discours comme une sortie de la norme. C’est là la définition du trauma, sinon c’est une épreuve. Je passe mon bac, je stresse, c’est une épreuve, mais pas un trauma, car je reste moi-même. Alors que si je suis condamné à mort, agressé sexuellement, pris dans un attentat, comme les otages du bataclan, je ne redeviendrai ensuite moi-même que si le contexte me donne la parole et s’il y a concordance entre le récit collectif et ma parole. » (1)
Ainsi, la parole (et son acceptation par l’environnement) est l’une des clés pour mettre en œuvre la résilience, pour faire ce remaniement si nécessaire de la mémoire et pour avancer vers ce nouvel équilibre de vie avec un nouvel épanouissant de l’être.
Article écrit par Sylvain Seyrig, coach professionnel à Paris
Cet article reprend de nombreux éléments d’un travail commun réalisé l’an dernier avec ma consœur Annick Dulion, une formidable coach spécialisée dans le coaching de rétablissement. Ensemble, nous avons animé un atelier collectif « Sur le chemin de la résilience » au sein de la Ligue contre le cancer de Paris.