Gérer un conflit et les tensions avec la Communication Non Violente
Voici comment utiliser la Communication Non Violente pour gérer les conflits et les difficultés relationnelles qui peuvent nous envahir et nous mettre en difficulté. La CNV est, en effet, une approche des plus pertinentes pour fluidifier les relations difficiles au travail, en famille, entre amis ou au sein du couple.
Élaborée par le psychologue américain Marshall B. Rosenberg, décédé en 2015, la Communication Non Violente (CNV) est aujourd’hui développée en Europe avec une grande pédagogie et une belle humanité par le belge Thomas d’Ansembourg. Voici les éléments clés qu’il détaillait lors d’une soirée d’échanges intitulée « Apprendre à gérer les tensions et les conflits sans violence », organisée en janvier dernier par En développement, et dont cet article est une synthèse.
1. Accepter que les conflits font partie de la vie
Thomas d’Ansembourg propose une entrée en matière bien singulière pour gérer les tensions relationnelles. L’apôtre de la Communication Non Violente ne réfute pas les conflits, bien au contraire ! « Le conflit et les frictions font partie de la vie et des relations. Dès lors que nous acceptons cela, nous pouvons les vivre avec plus de détente. Nous pouvons nous y préparer, les gérer », affirme-t-il.
2. Identifier l’apparition de la tension relationnelle
Une fois que nous avons accepté cette idée que les conflits font partie de la vie, nous pouvons mieux les gérer. Mais comment faire ? La première étape est d’identifier l’apparition d’une tension relationnelle et qu’un conflit prend forme ou peut prendre forme. Cela nécessite de mettre en place des signaux d’alerte, d’avoir son tableau de bord avec des voyants qui passent du vert à l’orange, puis de l’orange au rouge. Ou directement du vert au rouge !
Ces signaux d’alerte sont de deux ordres :
• Les signaux externes
Notre interlocuteur change de voix, hausse le ton, adopte un comportement plus agité, prononce des propos plus durs ou violents. Les traits de son visage changent, deviennent plus tendus, plus fermés, etc. Autre attitude possible : il s’échappe, fuit, fait silence.
• Les signaux internes
Nous devons également porter attention à nos propres signaux internes, qui nous permettent d’identifier la survenance des difficultés relationnelles. Nous ressentons l’apparition d’un sentiment d’injustice ou de colère, une nervosité, une peur, une envie de nous opposer ou de crier, de fuir ou, au contraire, de taper. Notre corps « parle » également : tensions musculaires, voix plus sèche, respiration qui s’accélère ou qui se met en apnée, etc. En clair, la situation nous sort de notre zone de confort.
Ainsi, la gestion du conflit commence par l’observation attentive de soi et de son interlocuteur. C’est la première étape du processus de la Communication Non Violente. Une fois que ces signaux d’alerte clignotent, nous pouvons nous mettre en action pour gérer la situation de façon adéquate afin qu’elle ne tourne pas au conflit ouvert et violent.
3. Faire un pas de côté pour arrêter l’engrenage du conflit
Lorsque l’alerte survient, qu’elle que soit son niveau de gravité, l’urgence est de faire un pas de côté et de prendre du recul par rapport à la situation. Il en est de notre responsabilité. L’objectif de ce pas de côté est d’éviter que le conflit s’envenime. Le premier réflexe à avoir est de ne pas répondre avec automatisme à la provocation de l’autre par un propos et une attitude qui pourraient développer plus encore le conflit en l’amenant à monter encore d’un grade. Autrement dit, il s’agit de ne pas encourager la spirale conflictuelle qui s’est mise en route. De ne pas jeter de lui sur le feu.
Comment faire ce pas de côté qui interrompt la mauvaise spirale ? Ce peut être ne pas répondre du tac-au-tac et différer la réponse à plus tard, quand la colère sera retombée, quand nous aurons préparé une réponse ajustée et non violente. Une autre ressource : adopter une respiration lente et profonde, qui nous apporte un apaisement intérieur. S’il le faut, nous pouvons sortir de la pièce et aller faire un tour ailleurs. Bref, l’objectif premier est de couper l’énergie sous la cocotte-minute qui pourrait, sinon, chauffer jusqu’à exploser.
4. Discerner ce qui se passe en moi et développer l’empathie vers moi-même
Effectuer un pas de côté offre un avantage supplémentaire : il permet une prise de recul utile pour discerner ce qui se passe en nous. Une étape indispensable, insiste Thomas d’Ansembourg : « Quand il y a conflit, comment ne pas être emporté par ma peur, mon désarroi, ma colère ? En les observant, en prenant conscience de ce que le conflit dit de moi et de ce que j’ai à travailler, à transformer dans mes attentes de l’autre. L’objectif est d’abandonner l’action et la réaction habituelles, de nous défaire de nos réflexes pavloviens et engrammés où l’on réagit à l’agression par l’agression ou par la fuite. Ce démantèlement de l’action/réaction habituelles ouvre un espace pour une réaction nouvelle avec une empathie pour moi-même et une empathie pour l’autre. »
Discerner ce qui se passe en nous est d’autant plus important que le conflit d’aujourd’hui est le plus souvent activé par notre passé et notre histoire. « Quand je me sens agressé, poursuit Thomas d’Ansembourg, cela peut réactiver des sensations de mal-être liées à l’enfance. D’où la nécessité de prendre ce temps de recul, d’intériorité, d’empathie avec moi-même pour comprendre et accepter ce que dit ma colère ainsi que pour faire la paix avec les colères de mon enfance ou liées à mon enfance. »
En résumé, faire un pas de côté permet à fois d’arrêter l’engrenage du conflit et d’être disponible à ce qui se passe en nous, de démêler ce qui est lié à la situation présente et ce qui résulte d’émotions parasites liées à la charge de notre passé.
5. Passer du conflit à la discussion
Il convient de distinguer trois degrés relationnels en cas de désaccord entre plusieurs personnes :
• La discussion
La discussion est un échange d’idées, de positions et d’arguments, y compris en pointant des désaccords s’ils existent. Elle est l’occasion d’identifier des solutions. La discussion est le niveau à privilégier pour gérer les désaccords avec la Communication Non Violente.
• Le conflit
Lorsque la discussion devient conflit, les désaccords sont plus marqués et deviennent des oppositions franches et inconciliables. Les personnes se disputent une vérité ou un droit. Les accusations sont dites avec une voix relativement agressive.
• La violence
La violence est l’explosion du conflit qui s’envenime, avec l’irruption d’une agressivité qui se manifestent avec une force intense, brutale, voire destructrice. Cette violence peut être verbale, physique ou psychique, avérée ou faite de menaces, consciente ou inconsciente.
Selon Thomas d’Ansembourg, « l’enjeu de la CNV est de transformer la violence en conflit, et le conflit en discussion ». Autrement dit, de redescendre à l’étage de la discussion, de l’écoute de l’autre, de l’échange d’arguments et de l’identification des solutions possibles et acceptables pour chacun.
6. Avoir des colères non violentes
Avec la tonalité à la fois réaliste et pleine de douceur qui lui est chère, Thomas d’Ansembourg pointe la colère qui peut émerger des relations conflictuelles. Il insiste ici sur un point clé : « La Communication Non Violente n’est pas la Non Colère ! Nous pouvons très bien dire notre colère sans violence, sans crier, sans exploser. Nous pouvons la dire à temps, avant que cela déborde, avec un ton ferme mais calme : « Stop ! Je suis en colère. On se parle. Je ne suis pas en colère contre toi. Je suis en colère pour notre relation, pour qu’elle se développe. »
Autre solution ouverte par la CNV : nous pouvons revenir plus tard, le lendemain ou les jours suivants, une fois que la pression de notre cocotte-minute interne est retombée. Nous exprimerons à ce moment choisi notre colère calmement, sans violence verbale mais avec affirmation de soi : « Tu sais hier, quand tu m’as dit cela, j’ai été blessé et j’ai ressenti de la colère. La prochaine fois, peut-être pourrais-tu me dire les choses autrement ? ».
7. Rejoindre l’autre par l’écoute et l’empathie
L’empathie est, rappelons-le, la capacité à identifier et à comprendre ce que ressent et vit l’autre. Elle est une autre clé pour réduire les tensions relationnelles et gérer les conflits.
Thomas d’Ansembourg témoigne de la nécessité de développer notre capacité d’empathie pour rester à l’écoute de l’autre, de ce qu’il vit, de ce qu’il veut dire, de ce dont il a besoin. « Nous pouvons utiliser le conflit pour aller à la rencontre de l’autre, pour clarifier et ordonner les besoins de chacun, souligne-t-il. Rejoindre rapidement l’autre par l’écoute, la compréhension et la bienveillance permet de désamorcer ce qui le met en tension, de pointer son besoin qui est derrière son attitude conflictuelle. »
L’un des moyens est de créer des moments de rencontre et de parole pour être ensemble, parler de nos colères, mais aussi pour partager et célébrer ensemble ce qui nous fait du bien. Il s’agit, en clair, de provoquer des temps de discussion quand les tensions apparaissent mais également d’anticiper et de les programmer afin d’éviter que la fameuse cocotte-minute chauffe et explose.
8. Retrouver le respect de soi et de l’autre
Réagir avec empathie pour soi-même et pour l’autre permet, lorsqu’un conflit est là, de clarifier ce qui nous tient le plus à cœur, de clarifier le besoin d’écoute de chacun, dans les deux sens. Si le mépris est apparu, c’est le signe d’une souffrance importante. D’où l’importance de l’écoute et de l’empathie afin de réintroduire du respect réciproque. Mais également pour honorer les personnes que nous sommes, ce qui nous rassemble, ce qui est beau. Pour honorer la vie.
9. Les 4 étapes de la Communication Non Violente et de la grille OSBD
>> Lire l’article : Mieux s’affirmer avec la Communication non violente
Sylvain Seyrig, coach professionnel à Paris